ROTA
Au XIème siècle, la conquête de l’Italie du Sud par les Normands, contrairement à celle de l’Angleterre, se fit progressivement sur une durée de plusieurs générations. Elle fut l’œuvre de petits seigneurs et mercenaires initialement au service de princes lombards et byzantins, qui obtinrent au fil des batailles divers territoires et fiefs pour leur propre compte. Les deux tiers des immigrants de cette époque étaient des Normands et le reste était constitué d’Angevins, de Manceaux, de Flamands et de Francs. Ces Normands étaient originaires principalement du territoire de l’actuel département de la Manche, et issus de la classe des seigneurs désargentés incapables de donner des terres à leur nombreuse progéniture, dont entre autres un certain Tancrède de Hauteville (~990 – 1041).
Pour référence, Hauteville la Guichard, siège de la maison Hauteville, est un village fondé par un viking norvégien du nom de Hialtt qui s’installa là au xème siècle, ayant reçu des terres au partage de la Normandie effectué par Rollon, et lui donna le nom de Hialtvilla. A noter que St Jean de la Rivière, ex Turgisville, fondée par un Viking nommé Thorgils très probablement à la même époque, est à 35 km de là, et qu’il a subsisté très longtemps dans le village de Gouville sur Mer situé à 15 km un grand nombre de membres de la famille TURGIS, dont les origines Viking sont donc plutôt probables, et qui feront de fait l’objet d’un article séparé.
Le 2 Novembre 1023, au moment de la mort d’un certain Roger (ou Crispin) d’Arnes (un village situé près de Falaise, siège du Duché de Normandie), membre de la prolifique famille de Hauteville, des échanges réguliers entre des Normands avides d’aventures et le sud de l’Italie sont en place depuis 25 ans, et les Normands sont désormais régulièrement sollicités par les barons locaux pour les épauler dans leurs luttes intestines. A partir de 1035, les premiers membres de la famille de Hauteville, Guillaume et Drogon, fils aînés de Tancrède, gagnent leur renom en Sicile en y combattant comme mercenaires, contre diverses promesses.
Finalement, en 1042, les Normands s’émancipent et finissent par élire en Italie du Sud un chef issu de leurs rangs. En 1046, TURGIS, fils de Roger d’Arnes (probablement né vers 1020), embarque pour la Sicile accompagné de ses frères Anger et Silvanus, sous la banière de leur parent Robert de Hauteville (1020 – 1085) dit Robert Guiscard – « le Rusé », le 6° fils de Tancrède et le 4° à tenter sa chance en Sicile. En effet, en 1044, c’était son autre frère ainé Onfroi qui y était parti en bande organisée, sollicité par le baron local Guaimar IV de Salerne (au sud de Naples). Robert arrive donc à Salerne à la tête de cinq chevaliers et trente-cinq fantassins, dont notre TURGIS. Accueilli froidement par son frère Drogon, autoproclamé comte d’Apulie depuis peu (après une violente dispute, Drogon mettra brièvement son jeune frère au cachot), Robert est alors dirigé avec sa petite bande armée en Calabre où il est libre d’y mener une vie de brigand, connaissant tantôt la faim, la misère, et la fortune, pillant les riches monastères et les églises, volant le bétail, rançonnant la population et détroussant les voyageurs, harcelant les troupes byzantines et semant la terreur dans la région. Après une série de rebondissements décrits avec force détails dans l’excellent article sur Wikipedia qui lui est consacré, Robert « Guiscard » de Hauteville devient comte d’Apulie en 1057, puis, envahissant progressivement tout le sud de l’Italie et la Sicile sur les 20 années suivantes, fait de la riche ville de Salerne sa capitale principale en 1077. De là, il tentera (sans succès) d’étendre son empire jusqu’à Rome, à la tête de troupes de mercenaires de plus en plus importantes.
Dix ans plus tôt, en 1067, TURGIS, fait par Robert comte de Rota et de Sanseverino (Campanie) – d’où son surnom, avait été excommunié par le pape Alexandre II suite à la mise à sac avec deux autres Normands, Guillaume de Hauteville et Guimond de Moulins, de l’archevêché de Salerne. TURGIS avait établi sa demeure dans le château de Sanseverino qui se trouvait dans ses nouvelles possessions et qui constituait une position stratégique mettant en communication la Principauté de Salerne, le borgo di Rota, le duché de Naples et de Bénévent (cf carte); il en avait prit aussi le nom. TURGIS est ainsi à l’origine de la branche familiale des Sanseverino, qui deviendra une des familles historiques les plus illustres du Royaume de Naples et de toute l’Italie, et une des plus riches d’Europe, possédant 300 fiefs, 40 comtés, 9 marquisats, 12 duchés et 10 principautés répartis essentiellement entre Calabre, Campanie, Basilicate et Pouilles. Parmi ses membres, on trouve des cardinaux, des vice-rois, des maréchaux et des condottieres, le plus célèbre d’entre eux étant Galeazzo da Sanseverino, grand écuyer de France – considéré comme le meilleur de sa génération – l’un des mécènes de Léonard de Vinci qui habita dans sa maison de Milan.
TURGIS de Sanseverino et de Rota meurt en 1081.
Son frère Anger, membre de l’expédition originelle depuis le Cotentin, n’est pas en reste, fondant de son côté la famille Filangieri, grande famille de la noblesse italienne, de Nocera en Campanie, qui occupera une place importante dans l’histoire du royaume de Sicile et du royaume de Naples. Le nom de la famille est à l’origine un surnom normand pris par les frères Robert, Guillaume, Roger et Tancrède, fils d’Anger (Filii Angerii en latin) : « Fitz Anger », c’est-à-dire, « fils [d’]Anger ». Il avait également reçu de Robert de Hauteville, comme TURGIS, des terres dans la région de Salerne. Anger meurt en avril 1104 et est inhumé dans l’église de Cava de’ Tirreni, près de Salerne.
TURGIS de Sanseverino a apparemment eu un fils également nommé TURGIS, enregistré dans une charte cédant en 1133 la marina de Cilento à la puissante abbaye de Cava, comprenant six ports. Vingt-cinq ans plus tard, vers 1170, sous le règne du roi Guillaume II de Sicile (arrière-petit neveu de Robert Guiscard), un certain TURGIS de Campora, peut-être seigneur ou comte de Campora, fut chambrier de la Terre de Labour, la région du Royaume de Sicile autour de Salerne et de Capoue. Vers 1168, TURGIS niera avoir donné plusieurs châteaux de la région de Troia, où il résidait au moins depuis 1167, à un certain Richard de Mantra, qui se défendait ainsi de se les être appropriés. Bien que la tradition de faire perdurer des prénoms dans les familles était en vigueur à cette époque comme jusqu’à une période récente, la relation parentale entre ce TURGIS et les autres n’est pas documentée, bien qu’assez probable.
Alors qu’il se précise que les TURGIS d’aujourd’hui semblent originaires d’un triangle Saint-Jean de la Rivière – Vire – Avranches dans le Cotentin, soit via les invasions successives de Viking Norvégiens venus d’Irlande ayant ciblé de préférence ces côtes, soit des Vikings Danois ayant accompagné Rollo dans la conquète de Rouen et de Paris, et ayant par la suite obtenus par son intermédiaire des terres dans la région, comme les Tracy, les Hauteville ou même le futur TURGIS dit « d’Avranches », nommé Evèque du mont St Michel en 1094, il ne semble qu’aucun de ces personnages portant ce prénom, fondateurs ou appartenant à de grandes dynasties à travers l’Europe, soient nos ancêtres directs, mais plutôt des individus finalement sans grande envergure vivant dans la région et ayant adopté ce prénom comme patronyme « officiel » vers le milieu du XIIIe siècle.
2 réactions au sujet de « ROTA »
Questa ricerca è molto interessante e devo dire che corrisponde alla realtà storica poiché anch’io ho avuto modo di consultare alcuni testi antichi ancora perfettamente conservati nella biblioteca della Badia di Cava nei pressi di Saleno mia città natale.
La mia famiglia deriva da Troisio II del Cilento figlio di Trogisio il normanno sono stati grandi naviganti e possidenti di barche che univano le sponde del mediterraneo anche dopo la congiura dei baroni.
Spero che questo sito aiuti a diffondere la storia piú nobile delle famiglie normanne che tanto hanno offerto ai popoli dell’Italia meridionale le cui vestigia sono ancora presenti sul nostro territorio.
Je viens juste de découvrir vos articles
Sur le nom TURGIS,avec le plus grand
intérêt…En effet,j’ai grandi dans le village TURGIS,situé sur la commune
d’ANNOVILLE ,dans la MANCHE,village dont est originaire mon père et ses aïeux.Je connaissais déjà la signification et l’origine de mon
patronyme,mais voila des informations
tout à fait intéressantes. Il semble par
contre ,qu’il soit ardu,voire aventureux
de déterminer précisément les ascendants et les origines de chacun des TURGIS arrivés jusqu’à nos jours.